La chute au ralenti

Un jour, Cian me confia cette conversation qu'il avait eu avec Boann, sa femme.

Elle lui posa très gentiment et très sincèrement cette question : "Quand tu es en crise et que... tu songes à la mort, est-ce que l'idée que tes enfants et moi-même nous t'aimons n'est pas... suffisante pour repousser cette pensée ? Imagines-tu la peine que tu nous ferais si tu disparaissais ?"

Cian hésita longtemps avant de répondre calmement :
"Oui, bien sûr, là, maintenant je l'imagine. La dépression a en plus cette capacité d'être très culpabilisante vis-à-vis des gens "normaux"... En effet quelle ingratitude... Faut-il être monstrueusement égoïste pour ignorer tout cet amour et toute cette peine ? Tu as raison...

Mais quand la crise est là, la raison n'a pas sa place. Alors je suis face à moi-même, uniquement moi. C'est un peu comme une chute. Quand tu tombes, tu ne penses qu'à toi. Et là il s'agit d'une chute au ralenti qui dure longtemps, pendant laquelle il n'y a rien ni personne pour se rattraper..."

Boann prit la main de Cian et y déposa un baiser. Elle avait peut-être compris.